Leibniz, photographe dans l’âme

Leibniz précurseur de la photographie ? C’est le thème de cette courte réflexion, en marge de la lecture du « Pli » de Gilles Deleuze. Dans un geste monadologique, le moment photographique tente de saisir l’émergence d’une perspective perceptive sur le fond d’un monde tissé de sensations confuses et anonymes.

La conscience se détache comme une zone claire sur le fond sombre de l’âme. Ainsi se formule la conception leibnizienne de la perception dans la monade.

Autour de ce halo intense et net, le perçu se perd progressivement dans le flou et s’abîme dans l’obscurité tendancielle de l’inconscient. Mais justement, c’est là, dans cet évanouissement graduel, que foisonne et insiste le monde. C’est dans ce fond obscur que s’abrite le lien secret et insaisissable entre toutes les individualités qui le peuplent et le composent.

Or, au fond de la monade individuelle, à l’interface de l’âme et du monde, ce sont des myriades de microperceptions qui s’agitent – ces « petites perceptions obscures, confuses », qui appartiennent sans doute aux monades subordonnées de nos organes et cellules. Elles sont la foule des précurseurs sensibles qui se pressent à l’orée de la conscience, peuple anonyme qui à la fois soutient l’objet dans la perception et le retient dans le substrat du monde. Ce peuple si proche, il grouille jusqu’aux confins du réel.

Il y a donc un fond sensationnel microscopique sous la perception macroscopique. Et percevoir dans un monde, c’est toujours réussir ce détachement qui met la perception en lumière et en traits. Voilà le geste du photographe, annoncé par Leibniz un siècle avant la lettre.

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Auteur : symbiosphere

Biologiste et historien de la philosophie belge d’ascendance celte. Né en même temps que la crise pétrolière. Se revendique du courant alterdarwiniste et de la théologie des puissances intermédiaires confuses. Herboriste néopaïen, confesse une croyance à faible intensité en un Dieu unique et croit encore moins en l’Homme, mais bien à la multitudes des interactions et des esprits qui criculent entre la croûte terrestre et la voûte céleste, ainsi qu’aux chants et prières qui les flattent ou les agacent. Libéral pour les pauvres et socialiste pour les riches, juste pour rééquilibrer. Lance en 2016 une réflexion symbiopolitique en vue de renouer des alliances entre les populations humaines, végétales, animales et microbiennes contre la menace des biorobots et l’impérialisme technoreligieux de l’Occident capitaliste. M.L. : « Tout ce qui précède est vrai sauf ma nationalité, car la Belgique n’existe plus assez pour me nationaliser. »

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