POUR UNE ÉTHIQUE ANIMISTE
La pensée animiste offre une alternative radicale à l’ontologie de domination et ses destructions écologiques. Monothéisme scientifique et exceptionnalisme humain nous empêchent de prendre cette pensée au sérieux. C’est pourquoi on l’aborde ici sous un angle éthique et pragmatique. Ou quand les chasseurs d’Amazonie nous font revisiter notre tradition métaphysique.

Sur ce blog, on a plusieurs fois invoqué le potentiel de la pensée animiste en tant que ressource pour la lutte écologiste (lire p.ex. Bolsonaro et l’insensibilité au monde). Comment ne pas désirer s’inspirer de celles et ceux qui vivent dans l’intimité des autres vivants, jusqu’à accepter de disparaître avec leur forêt, parce qu’elle est indissociable de leur culture et de leur sensibilité ? Elles et ils affirment cette inséparabilité essentielle de leur identité avec les liens qui tissent leurs mondes vivants.
Mais il faut bien avouer que, même pour celui qui prend la plume dans l’intention de défendre les peuples animistes d’Amazonie, il est difficile d’aborder leur vision du monde sans une distance teintée de curiosité ou d’exotisme poétique. La difficulté trouve sans doute son origine dans la longue tradition monothéiste et scientifique qui irrigue notre vision anthropocentrique de la nature et de l’histoire. Des traditions qui sont profondément liées aux destructions que nous infligeons aux autres et au monde.
Mauvaises habitudes occidentales
Le monothéisme nous a appris à regarder vers le haut, nous intimant de nous détourner des divinités terriennes (le Dieu jaloux de la Genèse est si éloquent à cet égard). En faisant de l’homme cet être élu, créé à Son image, Dieu a légitimé notre maîtrise brutale du monde. Au mieux, la doctrine chrétienne nous fait porter une responsabilité paternaliste et pastorale envers une planète décrite comme « notre maison » (cf. l’encyclique Laudato si’).
La foi scientifique prolonge le monothéisme en ce sens qu’elle repose sur la quête d’une Vérité, par définition unique, qui se transforme en tyrannie dès que la science nous donne les outils techniques pour gérer, ordonner, exploiter, contrôler, transformer et finalement détruire le monde. Cette disposition de la raison scientifique et instrumentale est ce que Heidegger appelle « arraisonnement » (une traduction possible de son Gestell), et dont on trouve un écho chez Horkeimer et Adorno[1]. Elle s’exprime triomphalement dans tous nos grands récits civilisateurs, exprimant l’idée que l’Homme a dompté la Nature, vaincu les maladies, fait triompher le Progrès, apporté la Lumière, etc.
L’anthropocentrisme et l’exceptionnalisme spécistes sont les fruits d’évolutions internes aux deux traditions précédentes, au sein de l’histoire occidentale. Elles témoignent d’une dérive civilisationnelle qui conduit à subordonner toutes choses à l’humain (y compris et d’abord lui-même, bien entendu), au nom de sa protection et de sa survie (vaincre et dominer la nature), et finalement pour sa puissance, son profit ou son confort. L’individualisme est une étape supplémentaire, qui consiste à réduire la dignité éminente de l’humain à sa seule instance personnelle, qu’il faudrait même protéger ou libérer de ses assujettissements collectifs (« There is no such thing as society », scandent les libéraux, diabolisation du communisme, lutte contre la menace indistincte des « sectes et religions », etc.).
Notions de perspectivisme amazonien
Les pensées animistes, singulièrement celles des Indiens d’Amazonie, proposent une vision symétriquement opposée à notre préjugé moderne. Philippe Descola décrit cette opposition de façon aussi simple et claire qu’il est possible[2]. Le naturalisme – c’est le nom qu’il donne à notre conception moderne du monde – institue une séparation ontologique radicale entre l’humain et la nature, et il n’accorde le statut de subjectivité qu’aux êtres humains. A l’inverse, l’animisme opte pour une continuité radicale entre l’humain et le non-humain, la culture et la nature, et l’idée de subjectivité y est étendue en droit aux plantes, aux animaux et même à divers lieux, phénomènes et objets inanimés remarquables.
Eduardo Viveiros De Castro poursuit une réflexion semblable, tout en s’écartant de la description comparative de Descola, pour tenter une formalisation conceptuelle du point de vue animiste. Il écrit : « tous les habitants du cosmos sont des gens dans leur propre département ». L’humanité devient alors une position relative, voire le nom même de la relativité : « tout est humain pour soi-même, tous les êtres du cosmos se perçoivent comme des humains et voient (les autres) comme des non-humains », y compris « ceux que nous appelons, nous, humains ». Il en résulte une « dissémination moléculaire de l’agentivité ‘subjective’ » et donc le « rejet d’un point de vue politique unifiant »[3].
Pour le dire simplement, « humain » est un autre terme de « subjectivité », non au sens du sujet individuel conscient (de lui-même)[4], mais bien d’un certain mode d’ancrage relationnel qui ouvre une perspective sur le monde, et qui n’est pas réservé à ceux que nous appelons « humains ». Cette perspective est toujours singulière et elle est aussi spécifique, car elle est marquée par le potentiel et les contraintes de la corporéité. Autrement dit : notre perception du monde est conditionnée par « l’équipement corporel » de notre espèce.
En un sens, on peut dire que les diverses perspectives sont par essence « spécistes », puisqu’elles reflètent la spécificité biologique et écologique de chaque type d’être, mais la philosophie et la cosmologie perspectivistes qui les mettent en scènes sont quant à elles foncièrement pluralistes, puisqu’elles réfutent le primat ou la supériorité d’une perspective sur les autres, y compris sous la forme solipsiste modernisée qui veut que seuls les individus humains soient dotés de cette perspective subjective.
Viveiros de Castro est ainsi amené à distinguer des « humains humains » et des « humains non-humains », indiquant par là que la condition subjective n’est pas réservée en droit à notre espèce. Cette formulation surprenante brouille le jeu de l’identité logique qui fonde les rapports de séparation, domination et hiérarchie de notre vision du monde anthropocentrique. Sans renoncer aux distinctions entre espèces, elle attribue par principe une forme de subjectivité « humaine » (une « âme ») aux êtres et aux choses qui sont engagées dans un monde vivant partagé. C’est ici qu’intervient l’objet principal de cet article.
A vrai dire, tout cela apparaît déjà chez A.N. Whitehead, dans son Procès et réalité de 1929, lorsqu’il énonce : « la philosophie de l’organisme étend le subjectivisme cartésien en affirmant le ‘principe ontologique’ » (p.156). Ce principe est résumé (p.99) : « c’est le principe selon lequel tout se situe en acte quelque part et en puissance partout » (Gallimard, 1995). Autrement dit : le monde est la multiplicité des points de vue sur le monde. Ce qui est en acte, c’est chaque point de vue particulier, chaque « sentir ». Ce qui est en puissance, c’est la possibilité pour chaque actualisation d’être « sentie » par d’autres et d’entrer ainsi dans leur actualisation propre.
L’animisme sous l’angle de l’éthique
De l’aveu de Philippe Descola lui-même, il est très difficile de « changer de point de vue », de passer d’une ontologie à une autre. J’ajouterai que ce l’est d’autant plus lorsqu’on a hérité du point de vue dominant – celui des vainqueurs « civilisés » marchant aux côtés de l’Histoire – et de tous les avantages matériels qui agrémentent ce privilège culturel. Suspendre notre jugement naturaliste et une partie de nos représentations matérialistes, pour considérer avec sérieux la perception animiste du cosmos, est alors un exercice funambulesque, qu’il est facile de taxer d’artificialité.
« l’animisme fournit une hypothèse recevable en tant qu’axiome pragmatique pour une éthique des mondes vivants.
Mais c’est autre chose lorsqu’on envisage l’animisme sous le jour de la philosophie éthique. On découvrira alors que l’animisme a tout d’une hypothèse recevable en tant qu’axiome pragmatique pour une éthique des mondes vivants. Et cette hypothèse nous sera d’autant plus accessible qu’on lui trouve des échos surprenants au sein de notre propre tradition philosophique occidentale[5].
L’argument tient en deux temps assez simples :
- Premier temps : nous faisons tous l’expérience intime et concrète de la pensée. Il s’agit même de la seule expérience offrant ce type de certitude immédiate.
- Second temps : étant donnée cette expérience subjective, il paraît raisonnable de ne pas en exclure a priori les autres êtres peuplant le monde.
Le premier temps de cette argumentation rappelle immanquablement la philosophie de Descartes, dont les Méditations reposent sur le même type de fondement intime, cognitif et réflexif, mais qui opte pour une conclusion radicalement différente.
Comme vous l’avez sans doute appris à l’école, Descartes propose une méthode de « doute radical » qui commence par la suspension de son jugement concernant toute vérité admise, y compris la réalité de ses perceptions et de son propre corps. Il conclut de cette épreuve que, si je puis douter de tout, même de l’existence de mon propre corps , il est une chose dont je ne peux en revanche douter, c’est que même si je me trompe sur toute chose, c’est bien moi qui me trompe et pense me tromper. « Cogito ergo sum » : je pense donc je suis. Ici, on pourrait être encore plus radical, et s’en tenir à « il y a expérience de pensée », en évitant l’hypostase d’un « Je » stable implicite.
On objectera peut-être que tout cela est encore une projection qui plaque la culture occidentale sur un monde amazonien fantasmé. À cela, je répondrai que le jeu de miroir est à plusieurs coups, et que c’est bien plutôt Descartes qui, le premier, introjette des fragments ou des relents de métaphysique animiste dans sa démarche. Qu’on se rappelle en quoi consistent les hypothèses du doute radical : Descartes se figure d’abord être plongé en permanence dans un rêve (le rêve d’un autre ? un rêve partagé ?), puis il envisage que ses perceptions, y compris celles de son propre corps, ont été malicieusement glissées dans son esprit par un « malin génie ». Cette hypothèse ne décrit-elle pas précisément une opération de sorcellerie, dans laquelle l’esprit est capturé et occupé par une intentionnalité étrangère et menaçante ? À propos de ce passage de Descartes, Deleuze écrit d’ailleurs : « Penser, c’est toujours suivre une ligne de sorcière »[6].
Toujours est-il qu’une fois la certitude du Cogito acquise, Descartes s’empresse de reconstruire une vision du monde naturaliste, en démontrant l’existence de Dieu (je vous épargne le raisonnement), pour arguer que, Celui-ci étant bon par définition, Il a dû faire en sorte que ma perception de la réalité extérieure ne soit pas pure illusion, mais un reflet assez fidèle du monde qu’Il a créé (l’erreur étant imputable à un mauvais usage de la liberté). Nous voici rendu devant l’ontologie moderne dans toute sa pureté : un Sujet percevant humain devant un monde rempli d’objets qu’il s’agirait seulement de connaître adéquatement. Et une absolue étrangeté de l’un à l’autre.
Méditations amazoniennes
Les Jivaros d’Amazonie sont des « cartésiens » bien plus radicaux que Descartes. De leur expérience d’une pensée subjective, ils ne tirent même pas un sujet absolument stable et permanent (le transport chamanique et les attaques d’esprits indiquent qu’il est possible, dans certaines conditions, de se faire « hacker » sa perspective subjective). Mais surtout, plutôt que de recourir à un Créateur bienveillant et tout-puissant pour « sauver le monde », ils s’en tiennent à ce Cogito immergé dans un monde incertain, attribuant par principe – et nous le verrons, par précaution – une perspective subjective aux autres entités, humaines ou non-humaines, peuplant ce monde.
« Alors que le Cogito cartésien institue la certitude d’un monde objectif garantie par Dieu, le Cogito animiste fonde une pensée de l’incertitude dans un monde ouvert à l’Autre
Autrement dit, puisque la seule expérience indubitable que j’aie est celle de ma pensée comme une perspective particulière sur le monde, je ne peux pas exclure que ce monde soit criblé d’autres perspectives, similaires à la mienne et pourtant différentes par leur contenu et leur intentionnalité. Alors que le Cogito cartésien institue la certitude du monde objectif garantie par Dieu, le Cogito animiste fonde une pensée de l’incertitude dans un monde ouvert à l’Autre[7][8].
Ici, vous pouvez si vous le voulez saupoudrer d’un peu d’existentialisme sartrien. Comme Descartes, Sartre s’appuie sur le vécu immanent de la conscience (ce qu’il appelle le « pour-soi »). Mais il ajoute que toute conscience est nécessairement conscience « de » quelque chose (ce qu’il appelle « en-soi »). Or, explique Sartre, un trouble spécial et fondamental se produit lorsque ce quelque chose dont on est conscient se remplit par un « autrui » (il pense naturellement à un autre humain) : il se trouve qu’alors, je deviens à mon tour un « quelque chose », un objet pour un autre sujet (c’est le « pour-autrui »). Cette expérience, vécue de manière paradigmatique dans le sentiment de « honte » (la gêne de se sentir regardé, même lorsqu’on est seul), ouvre un abîme inquiétant à l’intérieur de la certitude subjective. Selon Sartre, il se produit en présence d’Autrui une « désintégration » de mon univers. « Autrui, c’est d’abord la fuite permanente des choses vers un terme (…) qui m’échappe », « tout à coup, un objet est apparu qui m’a volé le monde »[9].
En un sens, l’ontologie animiste s’appuie sur cette même extrusion forcée du sujet vers un monde ouvert peuplé d’autres subjectivités, lorsqu’elle admet principiellement la pluralité des points de vue sur le monde. Ici aussi, l’âme se trouve creusée par le vertige d’être à son tour objet pour un autre sujet dont elle ignore la disposition et les intentions. À ceci près que la catégorie d’Autrui, l’altérité pensante, n’est plus réservée à nos semblables humains, mais s’étend en droit à toutes choses, visibles et invisibles. Ainsi, le monde devient un collectif d’âmes aux points de vue variés et entremêlés, dans lequel chacun peut voir ou être vu, manger ou être mangé (je reviendrai sur le schème de la prédation, qui domine la vision du monde des peuples de chasseurs animistes).
Cela me rappelle avoir eu, à l’université, un prof de philosophie qui expliquait très sérieusement que les peuples traditionnels n’avaient pas accès à l’idée d’humanité en tant qu'universelle. Il prenait à témoin l’agressivité des tribus amazoniennes à l’égard des ethnies voisines, qu’ils affublent volontiers de sobriquets évoquant des animaux répugnants. Mais c’est oublier que les araignées ont aussi un point de vue sur le monde. Et Contrairement à ce que l’on pense ou dit parfois, les sociétés sans État d’Amazonie ne sont pas des entités tribales fusionnelles ultra identitaires, mais des communautés profondément travaillées et menacées en permanence par l’altérité, tant entre les ethnies qu’entre les humains et les autres espèces, mais également entre les individus d’un même groupe et à l’intérieur de ceux-ci. C’est d’ailleurs pour conjurer les risques de cette altérité qu’elles veillent si jalousement à empêcher l’émergence d’un Chef au pouvoir institué[10] et qu’elles entretiennent une distance agressive avec les ethnies voisines. Viveiros de Castro évoque d’ailleurs une dynamique de l’altérité. Finalement, notre concept d’« humanité universelle » a des aspects de spécisme étriqué en comparaison de l’humanité étendue aux non-humains qui s’exprime dans la cosmologie animiste amazonienne et sa culture du multiple.
Par son aspect pluraliste, le Cogito animiste évoque un rapprochement avec la philosophie de Bergson, plus encore que celle de Descartes et Sartre. Plutôt qu’un « Je pense » associé à un moi parlant, Bergson fonde sa philosophie sur un champ d’expérience dont le contenu brut est « la durée ». C’est de cette expérience intime et immédiate du temps vécu, incompressible et irréductible, qu’il fait découler son exposé dans « Matière et mémoire ». Et plutôt que de déduire une opposition massive entre la conscience du sujet humain et la réalité de l’objet non-humain, il suggère au contraire une sorte de continuum moniste où la matière serait elle-même la forme la plus détendue et inconsciente d’une durée universelle. Tous les êtres seraient donc détenteur en droit d’un fragment de la durée sensible qui constitue l’expérience subjective (la conscience n’est plus ici une opération négative, comme chez Sartre, mais un véritable contenu positif), sur un éventail qui va de la conscience humaine, la plus condensée en expérience subjective, à la matière brute, où la durée vécue est presque totalement diluée, évanouie. Toutefois, il faut d’emblée préciser que l’ontologie amazonienne présente un pluralisme bien plus ouvert, non un dégradé hiérarchique, puisque le cosmos animiste accueille d’autres points de vue éminents, en particulier les esprits associés à certains animaux (notamment prédateurs), plantes ou lieux saillants.
Quant à Leibniz, contemporain de Descartes, n’a-t-il pas envisagé la Création comme une collection de monades individuelles, chacune assignée à une vision partielle du Tout ? Sa science des monades a les traits d’un animisme véritable. Il admet d'ailleurs qu'en un sens, « toutes les substances simples ou Monades créées pourraient être appelées Âmes » et que la réalité se trouve comme « multipliée perspectivement ». Toutefois, il fait lui aussi appel à un point de vue divin unifiant, à travers « l’harmonie préétablie » de tous les points de vue. Sans verser dans le déterminisme, il nous faut bien admettre qu'il se pose ici une question d'écologie. Leibniz, comme Descartes, ne s’est jamais aventuré dans une forêt pluviale. Sous cette dense canopée, il n'y a pas de place pour un schème unificateur qui garantit une vue panoramique sur des relations stables entre sujets et objets. Il faut faire avec l’incertitude touffue, les regards sans corps qui glissent entre les volutes végétales. Et si unité du cosmos il y a (au moins à l'origine), elle ne peut que s’explorer à tâtons, dans la demi-obscurité d’un paysage qui ne s’ouvre jamais, refusant de s’offrir au calme d’une grandiose contemplation.
Modes, puissance, joie
La force éthique de l’animisme réside donc dans cette place qu’il laisse à l’altérité, la diversité des points de vue, non seulement au sein de la tribu ou des individus, mais parmi les espèces et les différents modes d’être. Mais l’éthique est plus que cette ouverture inquiète. Elle est un savoir pratique unificateur. « Éthique » renvoie ici a « éthologie » : chaque espèce (et chaque peuple dans une certaine mesure) manifeste un éthos qui lui est propre, un mode d’être particulier, associable à son style de vie et bien sûr à son type biologique, les facultés de percevoir et de sentir qui lui sont propres.
L’éthique n’est donc pas une morale (bien que les deux ne soient pas incompatibles). Comme la science qui est supposée distinguer le vrai du faux dans l’ontologie occidentale moderne, la morale est censée séparer le bien du mal, selon un point de vue tout autant absolu et univoque. Au contraire, l’éthique est une pensée qui fonde et articule la pluralité des ethoi, et donc la relativité du bien et du vrai. L’éthique animiste est fondamentalement un pluralisme. C’est pourquoi Viveiros de Castro associe la cosmologie et les pratiques amazoniennes à une « politique de la multiplicité »[11a].
« l’éthique est une pensée qui fonde et articule la pluralité des ethoi, et donc la relativité du bien et du vrai, l’éthique animiste est fondamentalement un pluralisme…
Tout ceci nous renvoie à un autre grand penseur classique, Spinoza, dont l’ouvrage majeur s’intitule justement l’Éthique. Outre un exposé métaphysique redoutablement aride, à la conceptualité escarpée, le traité comporte heureusement une philosophie de la joie et de la tristesse, qui a inspiré des commentaires bien plus accessibles[12]. La joie désigne l’épreuve d’un accroissement de la puissance d’agir, tandis que la tristesse est l’expérience d’une perte, d’un déclin de cette puissance. « Puissance » n’est pas ici à prendre au sens moderne, comme un pouvoir exercé sur les autres, mais comme un accomplissement et un accroissement de sa propre potentialité. J’aime prendre l’exemple du peintre qui, chevauchant une inspiration fougueuse, s’attaque fiévreusement à sa toile, découvrant à chaque coup de pinceau l’œuvre qu’il est en train d’accomplir. Sa joie est celle de sentir sa verve créatrice se déployer, sa vision prendre vie, sa puissance de créer en action.
Or, cette puissance au fond de l’être est conditionnée par les « modes » d’être. C’est-à-dire que ce qui nous rend joyeux ou triste est relatif à chaque forme d’être. Malgré notre empathie pour l’antilope, nous comprenons que le lion éprouve une joie qu’on ne peut lui contester lorsqu’il déploie sa souple musculature pour bondir et saisir sa proie, lorsqu’il referme sa puissante mâchoire sur la gorge palpitante de celle-ci. Tout comme nous ressentons la tristesse de cette antilope qui sait, à ce moment, qu’elle a fini pour toujours de bondir parmi les herbes touffues. Nous comprenons aussi que cette joie du fauve ne peut être remplacée par de la viande froide jetée dans une cage, raison pour laquelle nous nous sentons un peu tristes à notre tour lorsque nous visitons un zoo. Cette pluralité des points de vue, associée à la diversité biologique du vivant, on la retrouve dans le perspectivisme des peuples de la forêt amazonienne, et on peut dire qu’elle s’accorde à la philosophie spinozienne des « modes ».
Une prudence ontologique
Si l’éthique pluraliste des Amazoniens consiste bien à considérer les animaux et les plantes comme des « semblables différents », cela ne suppose en rien une morale prescriptive interdisant de tuer ou de manger les autres espèces. À ma connaissance, tous les peuples animistes sont des peuples de chasseurs. Non seulement ils placent les aptitudes du chasseur au sommet de leur échelle de valeurs, mais ils sont aussi en état de guerre perpétuelle. Une guerre généralement larvée il est vrai, et atténuée par la distance géographique entre les groupes. Il n’en reste pas moins que tuer d’autres humains n’est pas un sacrilège. Cela montre au passage la cohérence de leur vision du monde, qui n’accorde pas de statut privilégié à l’espèce humaine.
Mais qu’il s’agisse de guerre ou de chasse, de tuer un homme ou un animal, cela exige d’infinies précautions. Il faut éviter de fâcher les esprits des proies et des autres prédateurs. Ceci nous conduit à revenir sur un dernier point important de l’éthique animiste. Comme indiqué plus haut, le mode d’être animiste est profondément marqué par une inquiétude fondamentale, qui commande une prudence craintive. Leur monde est bien moins rassurant que notre univers matérialiste, peuplé d’objets inertes et prévisibles, car dénués d’intentionnalité. En laissant le cosmos se peupler d’une infinie variété de points de vue, les Animistes des forêts pluviales se sont ouvert un monde vibrant d’une énorme charge d’incertitude, d’obscurité et de fragilité. Dans leur éthos de chasseurs, cette angoisse fondamentale s’exprime dans une généralisation du rapport prédateur-proie (ou mangeur-mangé), qui se superpose au lien chasseur-chassé, mais aussi guerrier-ennemi, et sorcier-ensorcelé (la sorcellerie désigne le risque de se faire dévorer l’âme, et Viveiros de Castro parle de « métaphysique cannibale »). Nous pouvons tous et toutes être victimes à chaque instant d’une « intentionnalité prédatrice »[13]. Car tous les êtres de la forêt sont plus ou moins affectés par cette polarisation prédateurs-proies.
« ces peuples échappent à la bifurcation cartésienne, qui trahit l’expérience du Cogito en se faisant offrir par Dieu un monde « de droit divin », un monde à dominer et exploiter
Néanmoins, la prédation n’est sans doute pas le dernier mot de l’éthique animiste. Et on ne peut s’empêcher de considérer que la prudence éthique des peuples animistes est liée à la dimension écologique profonde de leur façon d’habiter un monde. Comme je l’ai suggéré plus haut de façon triviale, Descartes et Leibniz ne pensaient pas dans une forêt (peut-être le cas de Spinoza est-il un peu différent parce qu’il était victime de la persécution des Juifs). Depuis leur position qui n’engageait pas leur survie corporelle immédiate, il leur était aisé de sortir du doute radical et de la pluralité monadologique par une pirouette conceptuelle (et peut-être leur sécurité physique leur imposait-elle de recourir à la figure de Dieu). Les choses sont très différentes lorsqu’on dépend de la forêt de manière aussi intriquée que les peuples d’Amazonie. On est alors tenu de penser avec son milieu vivant, et la pensée des collectifs humains finit par se confondre avec celle de la forêt[14]. C’est pour cette raison peut-être que leur ontologie ne cède pas à la tentation de l’esquive cartésienne, qui balaie l’expérience du Cogito en se faisant offrir par Dieu un monde placide et obéissant, un monde « de droit divin », un monde à dominer et exploiter, garanti sur facture divine, un monde bête à faire paître. Dans la forêt d’Amazonie, il n’y a pas de vie, ni de survie, sans une attention constante aux signes vivants, sans une vigilance exercée et cultivée collectivement.
Tout indique que cette prudence située dans un milieu dense en intentionnalité vivante est indissociable d’une cosmologie qui fait un usage pluraliste de l’expérience vécue, et renonce par avance à faire de son milieu une simple ressource ou un joli paysage[15], tout comme elle refuse de transformer les sociétés des organisations hiérarchiques sous la férule d’un tyran aux attributs d’intermédiaire divin (séparation du chamane et du chef de guerre, du prêtre et du guerrier). Cette cosmologie est une inspiration pour nous et nos luttes, car la dignité humaine y est indissociable de pratiques tournées vers le milieu. Certaines parlent d’ailleurs à notre fibre environnementale contemporaine. Ainsi, entre autres attentions et pratiques rituelles : ne pas fâcher les esprits de la forêt implique par exemple de préserver les populations sauvages, qui sont le réservoir d’actualisation vitale (ou de nourriture) pour les esprits des plantes et des animaux, de respecter leurs territoires, d’être constamment attentifs aux signes et aux rythmes propres à chaque milieu et chaque cycle de vie, etc.
Incise : l’illusion du droit chemin
Avant de conclure, je voudrais insérer ici une parenthèse sur notre histoire occidentale. La civilisation est marquée par l’idée d’aller droit (la racine rect-, reg- accompagne les idées de « droit », « direction », mais aussi « régir », « régler », « royauté », « régalien », etc.). Le droit s’oppose à ce qui est courbe, contourné, plié, moralement répréhensible et rationnellement douteux. Le « progrès civilisé » vers le Bien et le Vrai, l’ordre et l’unité (supposés universels), avec une coloration messianique supplémentaire, veut accomplir le chemin droit de la rationalité scientifique et morale. (Et quand on va droit, la fin justifie évidemment les moyens.)
A contrario, l’animisme nous apprend qu’il n’y a pas un chemin droit, et pour une bonne raison. Le monde étant ouvert à une pluralité de perspectives, consistant même en cette pluralité (c’est le perspectivisme ontologique, où tout est vivant, tout est âme), il va de soi qu’affirmer le caractère univoque et unidirectionnel de l’être, ou revendiquer un droit unique que l’on serait fondé à imposer à tous, humains et non humains, est simplement une folie dangereuse, qui résulte dans la désintégration du tissu sensible qui constitue la chair du monde, à travers la pluralité des perspectives qui s’agencent et se nourrissant mutuellement (c’est ce que nous appelons sur ce blog, « la symbiosphère »).
Il y a, dans la vieille mythologie indo-européenne, un personnage récurrent qui traduit l’illusion du chemin droit : c’est le boiteux. En raison de son infirmité, le boiteux décrit une trajectoire courbe même lorsqu’il croit filer droit. C’est le cas d’Œdipe, qui est avant tout la figure d’un scandale terrien, et non familial (à l’inverse d’Œdipe, Ulysse est un pragmatique rusé qui louvoie pour garder son cap, car il sait qu’aller droit suppose une modification incessante de sa trajectoire, faite de sinuements imperceptibles, mais ceci est une autre histoire[16]). Œdipe finit par revenir d’où il vient. Pour nous autres, imprégnés d’individualisme et de structure familiale nucléaire, cela veut dire qu’il couche avec sa mère. Mais pour les religions terriennes qui inspirent souterrainement la tragédie – car Dionysos est le rebelle terrien qui patronne la fête tragique (cf. notre article : Écouter Antigone Tunberg) –, cela veut dire qu’il retourne à la Terre, la grande Gaia, celle qu’il avait oublié d’honorer et qui se rappelle à lui. N’est-ce pas une image parfaite de ce qui nous advient ?
Conclusion : le pari de l’existence des Autres
Il y aurait donc à recueillir des « Méditations amazoniennes », plutôt que cartésiennes, qui au lieu de se rassurer dans l’hypothèse du Dieu tout-puissant, continueraient sans fin à égrener les possibilités d’erreur fatale que secrètent le monde. « Et si les jaguars avaient eux aussi leur Dieu tout puissant ? Et si j’étais moi-même le jouet d’un esprit jaguar prenant forme humaine pour amuser ses semblables ? Et si cette pierre attendait que je tourne le dos pour bondir et m’assommer ? Et si cet homme était en fait habité par l’esprit d’un jaguar affamé ? » Etc. Cette inépuisable variation sur l’inquiétante incertitude du monde – le monde-forêt et ses dangers invisibles – donne une image approximative de la cosmologie des peuples animistes, dans laquelle le monde n’est jamais une chose acquise et offerte à la connaissance et à la main de l’homme.
Et il y aurait aussi à développer une « Éthique animiste » sous la plume d’un Spinoza forestier, dans laquelle les modes d’être seraient toujours déjà engagés dans des relations écologiques à la fois fragiles et complexes. La joie y serait mesurée au risque de léser un autre mode, d’être la proie d’autres joies que la sienne (celle des virus par exemple).
« le pari pascalien devient le pari de l’existence des autres. Ce qu’on y gagne, ce n’est pas l’infini du divin, mais la multiplicité des finitudes, autant dire : le monde…
Pour conclure, j’aimerais invoquer un dernier grand penseur du dix-septième siècle, c’est Pascal. En termes animistes, le pari pascalien devient le pari de l’existence des autres, de tous les autres. Ce qu’on y gagne n’est pas l’infini du divin, mais la multiplicité des finitudes, autant dire : le monde. Car c’est précisément en tant qu’il est fini, que chaque monde sensible particulier, avec les êtres qui le peuplent, devrait être préservé. (Et inversement, c’est parce que la civilisation occidentale a embrassé l’infini en Dieu – ou ses succédanés du Progrès et de l’Homme – qu’elle a négligé de prendre soin du monde.)
Sans aller même jusqu’à cette transposition un peu téméraire, il y a chez Pascal une urgence éthique, une révolte scandalisée (« Misère de l’homme sans Dieu »), où s’enracine affectivement le pari. En ce sens, le « pari » animiste qu’il vaut mieux vivre dans un monde vivant, même si l’incertitude y rôde, que de s’abîmer dans un quant-à-soi civilisé, qui signe l’absence et la destruction du monde, est bien pascalien. Il à un autre pari, purement humain : celui de la fuite en avant technologique, du « On trouvera bien une manière ingénieuse de s’en sortir ». Et ce pari technique, indolence de la pensée, soulève une révulsion légitime chez les activistes et les écologistes, comme chez tous ceux qui ont gardé la sensibilité au monde et à ses dons fragiles. Dans les Pensées, on ressent ce désarroi rageur face à des semblables qui s’abîment dans l’instant fugace des intrigues et des plaisirs futiles. Le « divertissement », devenu aujourd’hui « diversion », est vendu comme un art de la communication ou un outil de management des populations, à coup de « disruption » et de « clashs ».
Loin de nous l’idée de prôner une vie austère et monastique. Pourtant, c’est bien une indignation pascalienne que nous éprouvons face aux motifs de la destruction du monde : le profit jusqu’à l’écœurement pour quelques-uns ; les pacotilles, l’addiction et le diabète pour les masses ; le tout en organisation le spectacle obscène (de la célébration obscène) de notre ignorance et de notre égoïsme.
L’éthique animiste est bien sûr autre chose qu’un « pari » intellectuel ou un calcul théologique. Elle s’impose dans la proximité immédiate du milieu vivant, par une sensibilité et une attention vitale à ses relations écologiques et trophiques. Dans cette forêt qui pense, le pluralisme biologique est la texture même du monde, et la condition transcendantale de la parole. Notre sol commun. Notre solidité partagée. Notre solidarité tacite. On n’y vit et survit qu’en apprenant à lire et échanger des signes vacillants. Sauf bien sûr à sortir de la forêt. Ou à la détruire. Mais que reste-t-il ?
[1] ADORNO Th et HORKHEIMER M, Dialectique de la Raison.
[2] DESCOLA Ph, Par-delà nature et culture.
[3] VIVEIROS DE CASTRO E, Politique des multiplicités, Pierre Clastres face à l’État, pp.108-109. Éd. Dehors, 2019.
[4] C’est d’ailleurs tout le dispositif politique de la société amazonienne qui tend à la préserver de l’émergence de sujets « autonomes », comme d’un chef légitime. C’est de cela que traite le célèbre livre de Clastres, La société contre l’État, commenté par Viveiros de Castro dans l’ouvrage mentionné plus haut.
[5] Dans un échange entre Viveiros de Castro et le philosophe Patrice Manigilier (en français, visionnable sur https://www.youtube.com/watch?v=BElwq1M4wV4), ce dernier aborde la métaphysique comme un exercice de mise en variation de notre expérience mentale, et fait de l’ethnologie une source possible de cette mise en variation.
[6] DELEUZE G et GUATTARI F, Qu’est-ce que la philosophie, Minuit, 1991, p.44.
[7] Il y aurait à recueillir des « Méditations amazoniennes » plutôt que cartésiennes, qui au lieu de se rassurer dans l’hypothèse du Dieu tout-puissant, continuerait sans fin à égrener les possibilités d’erreur que comporte le monde. « Et si les jaguars avaient eux aussi leur Dieu tout puissant ? Et si j’étais moi-même le jouet d’un esprit jaguar prenant forme humaine pour amuser ses semblables ? Et si cette pierre attendait que je tourne le dos pour bondir et m’assommer ? Etc. Cette inépuisable variation sur l’inquiétante incertitude du monde – le monde-forêt et ses dangers invisibles – donne une image approximative de la cosmologie des peuples animistes, une cosmologie dans laquelle le monde n’est jamais une chose acquise et offerte à la connaissance et à la main de l’homme.
[8] Il est même possible d’aller plus loin encore, en imaginant avec Viveiros de Castro que le monde n’est rien d’autre que la somme interconnectée de ces points de vue. On pense alors à la monadologie de Leibniz, décrivant l’humain comme une monade incluant une perspective sur l’univers (à son tour, Leibniz en appelle au Bon Dieu pour garantir la consistance et la compatibilité entre toutes les perspectives monadiques). On retrouve aussi une sorte d’existentialisme « décentralisé ». Pour rappel, Sartre établissait que la conscience est toujours conscience « de quelque chose », même si ce quelque chose demeure nécessairement un « en soi » opaque et inaccessible. Les Animistes acceptent cette opacité de l’être et le risque que cela représente. Au final, il semble que ce soit toute notre philosophie subjectiviste moderne qui s’efforce de conjurer « l’empirisme radical » de l’expérience amazonienne (j’utilise cette fois une expression du philosophe américain William James – peut-être fut-il visité par l’esprit d’un Indien lorsqu’il eut cette intuition ?).
[9] J-P SARTRE, L’être et le néant, p.301. Gallimard, 1943.
[10] C’est la thèse de Pierre Clastres dans La société contre l’État, éd. Minuit, 1971.
[11] Cf. Monadologie, §19 et §57. Leibniz préfère réserver le terme Âme aux monades douées de mémoires, c'est-à-dire capable de rétention de leurs perceptions dans un flux. A bien des égards, l'harmonie préétablie par la raison divine est une hypothèse ad hoc, qui sonne comme une concession nécessaire. Le véritable axiome sur lequel Leibniz appuie cette hypothèse, c'est celui selon lequel, parmi « une infinité des Univers possibles (...), il n'en peut exister qu'un seul » (§53). Néanmoins, sa métaphysique retient deux principes ayant une dimension écologique : (1) chaque monade « a des rapports qui expriment toutes les autres », il y a un « accommodement de toutes les choses » (§56),ce qui n'est pas sans évoquer les découvertes ultérieures de l'écologie (co)évolutionniste ; (2) Leibniz retient l'hypothèse qui permet « d'obtenir autant de variété qu'il est possible » (§58).
[11a] Op.cit., p.90.
[12] On en trouvera un exposé lumineux dans le petit ouvrage « Spinoza, une philosophie pratique », de Gilles Deleuze.
[13] VIVEIROS DE CASTRO, op.cit., p.108.
[14] Dans Comment pensent les forêt, un livre sur les Runa d’Amazonie, Eduardo Kohn explore la continuité et les articulations sémiotiques entre le monde de la forêt et celui des humains, notamment à travers des processus de rêve et de pensée collectifs. REF REF.
[15] Pour cette raison, il existe peut-être une corrélation entre la diffusion de l’animisme et l’intensité biologique du milieu. Cette corrélation est réfutée par Descola, qui excipe du cas des Eskimos. Mais il me semble que ce point de vue reste trop quantitatif. Les Eskimos vivent dans un monde qui n’est pas densément peuplé, mais qui l’est intensément (ou intensivement). Il suffit de rappeler que la totalité de leurs artefacts culturels, y compris leurs bateaux et leurs célèbres « anoraks » sont fabriquées et cousues avec des peaux, membranes, os, poils de phoques et de morses, pour mesurer combien la subjectivité percevant de ces animaux est présente dans leur monde.
[16] Cf. DETIENNE M et VERNANT J-P, Mètis, les ruses de l’intelligence. Il faut préciser que Mètis est issue d’une lignée chthonienne très ancienne, et non une déesse du panthéon olympien. Car la nature elle-même est pleine de ruse (l’étude contient d’ailleurs un bestiaire emmené par le renard et le poulpe).