Tout part du concept de puissance. Celle de Spinoza, qui n’a d’autre objet que de s’éprouver elle-même en actualisant l’être, en se signalant par une libération de joie (il faut imaginer la joie lente et placide des montagnes en formation !). Celle de Nietszche aussi, « volonté de puissance » ou « volonté de volonté » : la vie se poursuivant elle-même dans une danse créatrice, en perpétuel déséquilibre, inventant ses mouvements au rythme des facéties du destin.
Telles sont les images – philosophiques et existentielles – d’une puissance originaire, qui surgit dans l’innocence et se consume dans la jouissance, indifférente aux souffrances qu’elle ne pourra éviter d’infliger : à ce qui lui fait obstacle, comme à celles et ceux qui en font l’épreuve et chevauchent sa tempête.
En termes ontologiques, la puissance s’éprouve dans son actualisation, c’est-à-dire dans le passage à l’acte de l’être, déroulant derrière lui le cortège passé des possibles réalisés (la « réalité »). Autour de ces foyers d’émergence, on voit alors s’agiter les contours fragiles et mouvants des différentes formes de la vie : espèces, individus, sociétés. En termes théologiques, le monde est Création immanente. Spinoza encore : « Dieu, c’est-à-dire la nature ».
Pour être moins aride et métaphysique, rappelons simplement que « puissance » signifie « pouvoir être ». Ou : « être déjà » sans déjà « avoir été »…