Ceux qui n’avaient pas de monde

Pourquoi la destruction du monde se poursuit-elle imperturbablement sous nos yeux, alors que nous en connaissons les causes et les conséquences ? Dans cet article, on propose une piste de réflexion : l’hypothèse d’une radicalité religieuse opérant secrètement sous le manteau de la civilisation et sous le capot de l’économie capitaliste. Et si notre tragique chevauchée vers la destruction écologique n’était pas le fruit d’un enchaînement hasardeux ?

Photographie: Ipséité territoriale ©M_Collette

Ce que nous nommons « la Civilisation » est le fruit d’un lignage multimillénaire issu de la rencontre entre deux schèmes culturels : l’expansionnisme dominateur des États indo-européens et l’exclusivisme de la religion monothéiste sémitique. Le résultat est une pulsion absolutiste qui a pour unique objet de dévotion l’Un et le Même, et pour visée leur extension et leur répétition à l’infini. Ce fut d’abord le Dieu unique, défini par son unicité elle-même, puis le monarque et la Cité, enfin l’Humanité en tant qu’idée, et plus récemment le Sujet individuel sacralisé.

Mais à peu de chose près, cette civilisation qui est la nôtre méprise le monde. Au fond, rien n’existe vraiment en-dehors de Dieu et/ou de l’Homme, si ce n’est pour être résolu, soumis, converti, digéré, exploité. Au risque de radicaliser le propos, on dira que la civilisation se résume à un processus unique : saisir et broyer tout ce qui n’est pas Nous pour en faire plus de Nous. Et le capitalisme en est le mécanisme inconscient, la pulsion brute, incarnée dans une machine de profit économique incontrôlable et aveugle.

Telle est au fond notre religion civilisée inavouée, qui se propage – inchangée pour l’essentiel – depuis le plus antique germe du monothéisme jusqu’au capitalisme et sa sous-culture transhumaniste.

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