Penser les invasives avec Anna Tsing

LECTURE. Les espèces invasives ne sont ni une « mauvaise nature » ni le « sauvage retrouvé ». Elles sont les espèces compagnes déchaînées de ceux qui ont oublié que le monde est un compagnonnage entre espèces. La première, Tsing a perçu que les invasives sont un objet anthropologique autant que biologique.

Penser les espèces « invasives » est un vrai défi. Mauvaises ? Sauvages ? Naturelles ? Rebelles ? Rien de tout cela, selon Anna Tsing, qui s’affirme plus que jamais comme notre sherpa dans un monde en ruine globale. Tsing, a qui l’on doit l’anthropologie monumentale d’une mycose globale (Le champignon de la fin du monde), est l’une des premières à percevoir que les espèces invasives sont un objet anthropologique tout autant, sinon davantage, que biologique.

Dans Proliférations, elle montre combien notre mépris des liens et dépendances qui tissent le monde vivant a fini par produire des êtres paradoxaux, issus des milieux non colonisés, mais liés à nos destructions et dépendants de nos colonisations.

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ANNA L. TSING. Proliférations. Wildproject, 2022.

Symbiosphere dans La Libre

Trump a su capter l’état d’esprit des classes populaires. Dans un monde violent, en virtuelle décroissance, il leur offre de rallier le camp des forts.

Extrait : « Ce dont manque le peuple, c’est moins d’éducation que d’imagination. Et l’imagination croît sur le terreau des possibles. Offrir de nouveaux possibles, c’est la tâche de la gauche et de l’écologie politique. »

À lire dans La Libre : Trump, pour se ranger derrière le plus fort

Sur ce blog, avec un titre différent : Trump, premier Potus d’un monde post-croissance

Lynn Margulis ou la révolution symbiologique

Par son attention hétérodoxe aux petits objets vivants, la microbiologiste Lynn Margulis a littéralement pulvérisé le paysage sous contrôle de la biologie moderne. Retour sur une révolution scientifique, philosophique… et féministe.

Dans l’imaginaire scientifique moderne, le monde vivant est déterminé par les catégories du gène, de l’espèce et de l’individu. Ces catégories rassurent car elles correspondent à des perceptions macroscopiques : les gènes sont associés à des caractères (grand, yeux bleu, QI faible… vous l’avez ?), les espèces à des idéaux types (chien, cheval, mouche) et les individus à des identités incarnées (moi, le Christ, mon chien Lulu). Cet essentialisme « géniste », spéciste et individualiste perpétue des traditions philosophiques ancrées dans le platonisme et le christianisme. Il s’accorde avec notre besoin de fixité et de contrôle, en offrant une vision stable et « gouvernable » du réel. C’est le monde pratique et le monde de l’ingénieur.

Dans les années 1970, la microbiologiste Lynn Margulis a fait imploser ce monde d’objets observables et manipulables en avançant des hypothèses microbiologiques qui pour l’essentiel ont été confirmées depuis lors. Pour l’exprimer en termes simples et généralistes, ces hypothèses indiquent que tout ce que nous connaissons de grand et de complexe dans le monde vivant est le résultat d’associations symbiotiques entre de minuscules entités, principalement des bactéries ou « procaryotes » (c’est-à-dire des petites cellules sans noyaux). On mesure encore mal aujourd’hui l’ampleur de cette révolution et ses implications pour notre vision du monde et du vivant.

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