La conscience se détache comme une zone claire sur le fond sombre de l’âme. Ainsi se formule la conception leibnizienne de la perception dans la monade.
Autour de ce halo intense et net, le perçu se perd progressivement dans le flou et s’abîme dans l’obscurité tendancielle de l’inconscient. Mais justement, c’est là, dans cet évanouissement graduel, que foisonne et insiste le monde. C’est dans ce fond obscur que s’abrite le lien secret et insaisissable entre toutes les individualités qui le peuplent et le composent.
Or, au fond de la monade individuelle, à l’interface de l’âme et du monde, ce sont des myriades de microperceptions qui s’agitent – ces « petites perceptions obscures, confuses », qui appartiennent sans doute aux monades subordonnées de nos organes et cellules. Elles sont la foule des précurseurs sensibles qui se pressent à l’orée de la conscience, peuple anonyme qui à la fois soutient l’objet dans la perception et le retient dans le substrat du monde. Ce peuple si proche, il grouille jusqu’aux confins du réel.
Il y a donc un fond sensationnel microscopique sous la perception macroscopique. Et percevoir dans un monde, c’est toujours réussir ce détachement qui met la perception en lumière et en traits. Voilà le geste du photographe, annoncé par Leibniz un siècle avant la lettre.